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Le vélo comme mode de transport : l’U.E. rêve de faire de l’Europe le nouvel eldorado du vélo

Le 16 février 2023, le Parlement européen est passé à la vitesse supérieure en adoptant une résolution invitant à utiliser le vélo comme mode de transport privilégié en Europe. Celle-ci souligne l’importance de la mobilité douce pour réduire les émissions de CO2, améliorer la qualité de l’air et réduire les embouteillages.

Elle encourage donc les gouvernements européens à promouvoir l’utilisation du vélo et à investir davantage dans les infrastructures de cyclisme. Mais aussi, à reconnaître l’industrie du vélo comme un acteur clef et à offrir des incitations fiscales pour l’achat de cycles. Alors, concrètement, voyons quels pays européens creusent l’écart en matière de stratégie en faveur du vélo.

Changer de braquet pour ancrer la culture vélo sur le vieux continent

Au sein de l’Union européenne, le secteur des transports est le second plus gros émetteur de gaz à effet de serre (23 %). En France, c’est même le premier ! Cette pollution atmosphérique causerait la mort prématurée de plus de 500 000 Européens par an.

Pourtant, cela fait longtemps que les États membres réclament la mise en place d’une stratégie prenant en compte le vélo comme moyen de transport à part entière. En tête de peloton, la Belgique qui a impulsé le mouvement et obtenu la signature d’une déclaration.

Celle-ci demande la construction de pistes dédiées, permettant de doubler le nombre de kilomètres cyclables actuels d’ici à 2030. Mais aussi, de rendre la mobilité verte plus accessible avec des aides à l’achat ou en favorisant le vélopartage. Cette déclaration encourage aussi la multimodalité. Avec, par exemple, plus d’espace dédié aux vélos dans les trains, ou des places de stationnement sécurisées avec des bornes de recharge. Ainsi que la prise en compte du vélo dans la création ou l’amélioration du réseau de transport trans-européen. Ou encore, l’accélération du développement des 17 routes cyclables longue distance parcourant le continent. Mais ce n’est pas tout. La déclaration appelle aussi à la création d’une Année Européenne du Vélo en 2024.

Ayant compris l’urgence, la Commission européenne a donc annoncé le 9 mars la mise en place d’un plan vélo ambitieux d’ici à l’été 2023. Quand on sait que 50 % des citoyens européens prennent leur voiture pour faire entre 3 et 5 kilomètres, il était temps de favoriser le vélo comme mode de transport. Surtout que certains pays membres ont déjà pris une longueur d’avance.

Vélo à gogo : quels sont les pays où l’on utilise souvent le vélo comme mode de transport ?

Pays-Bas, Suède et Danemark dans le top 3 des pays européens où l’on roule le plus et le mieux

En matière de vélo, contrairement aux croyances populaires, ce n’est ni la topographie d’un pays, ni ses conditions climatiques qui rendent les deux-roues populaires. Les raisons sont généralement historiques et liées à des décisions politiques, sociales, environnementales et économiques.

La France a par exemple très tôt fait le choix de privilégier massivement les transports motorisés au détriment des autres moyens doux. C’est tout l’inverse des Pays-Bas qui instaure le vélo comme mode de transport principal dès 1883. De fait, des infrastructures adaptées sont construites et le vélo s’installe, faisant fi de la pluie et du vent fréquents. Il devient même un symbole du pays. Les pistes cyclables représentent 35 000 km et lorsque les voitures partagent la route, la vitesse est très limitée. Aux Pays-Bas, on compte plus de vélos qu’il n’y a d’habitants. Ce qui implique de mettre à disposition de nombreux stationnements dédiés. C’est ainsi que l’on trouve le plus grand parking à vélos du monde à Utrecht avec 12 500 places !

La Suède, où le climat est aussi pourtant défavorable, caracole en tête des pays les plus sûrs pour pratiquer le vélo. Grâce à sa stratégie nationale sur le cyclisme, les trains comportent des wagons vélos et les infrastructures sont parfaitement adaptées et balisées pour limiter le nombre d’accidents. Il existe même une piste cyclable longue de 370 km qui sillonne la Suède. De plus, l’air y est peu pollué et les automobilistes sont très respectueux des cyclistes. Ce pays scandinave est ainsi devenu très populaire auprès des amoureux du vélo.

À Copenhague, capitale européenne de la mobilité douce, 41 % des déplacements quotidiens se font à vélo. Et au Danemark, 80,1 % de la population roule à vélo sur les 10 000 km de pistes disponibles. La capitale ne compte d’ailleurs pas moins de 384 kilomètres à elle seule. Civisme, faible pollution et infrastructures hautement adaptées sont le secret de cette réussite.

L’Allemagne, la Hongrie et le Luxembourg mouillent le maillot

L’ancêtre du vélo, la draisienne, est née en Allemagne. Pas étonnant donc que le pays fasse aussi partie du classement des États européens où l’on se déplace à vélo au quotidien. Et ce, bien que l’Allemagne soit l’un des plus gros pays européens émetteurs de gaz à effet de serre.

Avec l’adoption en 2021 de son Plan national pour le vélo 3.0, l’Allemagne souhaite d’ailleurs aussi devenir le pays du vélo avant fin 2030. Pourtant, intimement liée à l’industrie automobile et moto, l’Allemagne tire son épingle du jeu avec 40 000 kilomètres de voies cyclables disponibles. À l’université, des professeurs sont même dédiés à la recherche et à l’enseignement pour former des spécialistes qui sauront construire et gérer un réseau de trafic adapté aux cyclistes.

Le vélo en Hongrie est aussi une affaire qui roule, avec plus de 22 % des citoyens qui utilisent leur bicyclette pour les trajets du quotidien.

Depuis quelques années, le Luxembourg a également pris le virage de la mobilité verte, même si la pollution de l’air y reste importante. Dans ce pays où le transport public est gratuit, le stationnement et le stockage des vélos dans les transports en commun est facilité. 300 kilomètres de pistes cyclables supplémentaires sont attendus d’ici à 2028 dans le Grand-Duché qui en compte déjà 600.

Plus il y a de cyclistes, moins il y a d’accidents graves

Paradoxalement, on fait plus de vélo dans les pays du nord de l’Europe que dans le sud. C’est donc bien une question de mentalité et d’infrastructures adaptées plutôt que de météo ! Et on constate le même phénomène en France, où l’on utilise davantage le vélo comme mode de transport dans des villes pluvieuses et venteuses.

Un autre paradoxe est qu’il y a beaucoup moins d’accidents à vélo dans les pays qui comptent le plus de cyclistes. Là encore, on peut se poser la question de la qualité et de la mise en sécurité des infrastructures cyclables.

Les pays latins en queue de peloton

L’Espagne se distingue

L’Espagne se situe dans l’entre-deux. Vitoria-Gasteiz, Séville, Valence et Barcelone sont les mieux loties en matière de voies cyclables. Ces villes ont fait beaucoup d’efforts dans des temps record. Mais, comme dans beaucoup de pays européens, les pistes sont peu nombreuses en-dehors des villes et le vélo reste essentiellement un loisir.

La France et l’Italie au coude-à-coude

Au pays du légendaire Tour de France organisé depuis 120 ans, le vélo n’est pas roi pour autant. Bien que la fréquentation vélo ait progressé de 11 % en 2022 par rapport à 2021, principalement dans les villes, et même si certaines agglomérations se hissent sur le podium, comme La Rochelle, Strasbourg, Grenoble, Annecy ou Rennes. Comme dans de nombreux autres pays d’Europe, la France a déployé un programme d’aides à l’achat  mais ce n’est clairement pas suffisant. En cause ? Les infrastructures. Car il ne suffit pas de peindre un vélo sur la route pour en faire une piste cyclable. Face au manque de sécurité, les Français restent encore réticents à enfourcher le vélo pour aller travailler ou emmener les enfants à l’école.

En Italie, royaume de la Vespa, le cyclisme est également réservé à une pratique récréative et sportive avant d’être un moyen de transport. Le gouvernement italien qui a dévoilé son Plan général de la mobilité cyclable urbaine et extra-urbaine en août 2022, propose pourtant aussi des primes, comme presque tous ses voisins européens.

Le pays du fado n’est pas fana du vélo

Le Portugal est aussi largement à la traîne. Seul 1 % de la population utilise le vélo comme mode de transport, car il y a peu de pistes et de parking dédiés. Paradoxalement, le Portugal est devenu le premier pays fabricant de vélos de l’U. E. avec une production de près de 2,7 millions d’exemplaires en 2019.

À l’échelle européenne, l’industrie du vélo génère 170 000 emplois directs et indirects en 2021. Des chiffres encourageants, probablement accentués depuis les années 90 par la politique de la Commission européenne instaurant des taxes anti-dumping sur les vélos importés d’Asie. Mais aussi suite à la pandémie mondiale qui a été l’occasion d’ouvrir de nouvelles voies cyclables et de retrouver le goût de pédaler.

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En encourageant l’utilisation du vélo, l’Europe espère réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer la qualité de l’air et promouvoir un mode de vie plus sain et plus actif pour les citoyens Avec plus de 22 millions de vélos vendus en 2021 (dont 5 millions de modèles électriques), soit une hausse de 10 % en trois ans, la petite reine se positionne clairement comme une alternative à la voiture en Europe. Et ce n’est que le début ! Il reste maintenant à installer des nouvelles infrastructures adaptées, et surtout, à changer les mentalités.

Sources : Touteleurope.eu, Agence européenne de l’environnement (AEE), Commission Européenne, European Environment Agency / Contribution of the transport sector to total emissions of the main air pollutants 22/11/2018, Baromètre Vélo et Territoire septembre 2022, Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg, European Cyclists’ Federation, Confédération des Industries Européennes du Vélo.

Crédits photos : ©Larrun
Rédactrice : Claire Pimenta de Miranda